Elections CSTACAA 2023 - Interview Fil DP

Julien Henninger, président du SJA, a été interviewé par le quotidien juridique en ligne Fil DP, dans le cadre de la campagne pour l’élection des représentants des magistrats administratifs au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Vous pouvez retrouvez le contenu de cet échange, publié le 22 mai dernier, en cliquant ICI, ou bien en vous rendant directement sur le site de FilDP par ICI.

Nous remercions la directrice de la rédaction de FilDP pour son aimable autorisation de publication sur notre site.

 

Julien Henninger - « Pour le SJA, la qualité de la justice administrative est une priorité absolue qui appelle en tout premier lieu une charge de travail raisonnable »

23/05/2023 | 08h00 | FilDP

La campagne électorale pour l’élection des représentants des magistrats administratifs au conseil supérieur des TA-CAA a débuté le 12 mai 2023 et s’achèvera le 14 juin pour laisser place à un scrutin qui sera clos le 22 juin.

Dans le cadre de cette campagne, Fil DP a adressé les mêmes questions aux présidents des deux organisations syndicales présentant des listes à ce scrutin. Voici les réponses apportées par le président du Syndicat de la juridiction administrative (SJA), Julien Henninger.

Fil DP Quel bilan pouvez-vous dresser de votre action au cours du mandat qui s’achève ? 

Julien Henninger• Le bilan du SJA des trois dernières années, c’est d’abord et surtout la continuité du travail syndical résolu et combatif qui est le nôtre, au service de la qualité de la justice et de l’ensemble des magistrates et des magistrats administratifs.

Dans le cadre du conseil supérieur, ce mandat a été l’occasion pour les élus SJA de démontrer leur détermination et leur sérieux. Ils ont été notamment à l’initiative d’une refonte des orientations du CSTACAA pour la promotion au grade supérieur du corps, en œuvrant pour que cette étape importante de la carrière gagne en transparence.

Leur engagement a permis d’aboutir à plusieurs avis du Conseil supérieur défavorables sur des textes portant atteinte au statut des magistrats (régime de sortie de l’INSP par exemple) ou à la qualité de la justice administrative (voies de recours dérogatoires, délais de jugement contraints, audiences délocalisées ou dématérialisées).

Fil DP Au-delà d’un bilan général, quel est votre plus beau succès et votre plus grand regret de ces trois dernières années ?

Julien Henninger• Il faut savoir autant savourer les grands succès que les petites victoires. La plus belle réussite du SJA s’inscrit dans ce qu’est notre action au service des magistrats, avec la parution du guide pratique du SJA : « Magistrats administratifs : vos droits », un document de près de 400 pages, mis à disposition sur notre site internet. C’est l’aboutissement d’un travail important, au service de l’ensemble du corps, et qui incarne le travail dynamique, pratique et efficace du SJA au service de l’ensemble des collègues. Nous pouvons également être fiers des 50 ans de notre syndicat, célébrés en septembre 2022, sur la question « Quel juge administratif demain ? », qui ont témoigné de l’attachement persistant du SJA pour le débat, la diversité des points de vue et les enjeux collectifs.

En revanche, la réforme de la haute fonction publique, au-delà d’un regret, est surtout une grande déception pour les magistrats administratifs. Elle est venue s’imposer aux magistrats administratifs sans les aménagements nécessaires pour tenir compte de la spécificité des fonctions juridictionnelles, et sans chercher à tirer toutes les conséquences qui devaient découler de notre appartenance à la grande famille de la haute fonction publique. C’est particulièrement vrai s’agissant de l’exclusion de l’accès à l’auditorat du Conseil d’Etat, ou de la double obligation de mobilité qui, en l’état, pèse bien plus lourdement sur les magistrats que celle qui pèse sur les administrateurs de l’Etat.

Il faut toutefois être très clair sur l’enjeu du rattachement du corps des magistrats administratifs à la haute fonction publique : il s’agit du levier permettant d’obtenir la nécessaire revalorisation de notre rémunération. C’est ce positionnement, issu d’une volonté claire et constante du seul SJA, qui a permis d’obtenir une revalorisation indemnitaire et qui doit conduire rapidement à la revalorisation de notre grille indiciaire, calquée sur celle, bien plus favorable, des administrateurs de l’Etat. Sans ce rattachement, pas de revalorisation et les magistrats administratifs ont trop à perdre à rompre ce lien. Le SJA est fortement mobilisé sur la mise en œuvre concrète de cette réforme, alors qu’un décret est actuellement en cours de préparation.

Fil DP En 2021, le Conseil d’Etat a réalisé un deuxième baromètre social dont les résultats ont suscité votre inquiétude. Avez-vous eu le sentiment que le gestionnaire avait, non seulement, partagé vos constats, mais qu’il avait aussi répondu aux attentes des magistrats administratifs ?

Julien Henninger• Le baromètre social est un outil indispensable, nous en sommes d’autant plus convaincus que c’est le SJA qui avait engagé une telle démarche, il y a plus de 10 ans. Nous sommes ravis de voir que cette méthodologie a été reprise.

Sur le fond, les constats vont tous dans le sens d’une évolution négative, avec une dégradation des conditions de travail des magistrats, qui est in fine une dégradation de la qualité du service public de la justice administrative. Le constat de l’augmentation de la charge de travail, en particulier, est impossible à contester, même si la tentation existe de la minimiser en cherchant à faire croire qu’il ne s’agit que d’un ressenti subjectif et non d’un constat objectif. Le SJA a rédigé sur cette question un plan de sensibilisation en 2022 et un « livre blanc » ce printemps, disponibles sur son site internet.

Si la création d’un groupe de travail dédié, issu du CSTACAA, est une bonne nouvelle, il faut regretter que le gestionnaire ait autant tardé à se saisir de la question, alors que le SJA en parle depuis de nombreuses années. Surtout, cela n’est qu’une première étape, celle de la réflexion, dont nous attendons encore les résultats : les magistrats administratifs demandent des mesures concrètes leur permettant de remplir leurs missions sereinement. Il n’est plus possible d’attendre.

Fil DP Vous sollicitez les suffrages de vos collègues. Mais, quelle sera votre principale priorité pour les années à venir ?

Julien Henninger• Le maintien de la qualité de la justice administrative est une priorité absolue, qui nécessite encore et toujours une attention particulière.

Cette qualité appelle en tout premier lieu une charge de travail raisonnable, c’est pour le SJA une préoccupation centrale. L’augmentation des entrées et de la difficulté des dossiers doit appeler des recrutements supplémentaires et il est vain de continuer à croire que des gains de productivité seraient encore possibles.

Fil DP Et quelles seront vos autres dossiers prioritaires ?

Julien Henninger• Avec la qualité de la justice, la question de l’attractivité du corps des magistrats administratifs et la défense d’une justice administrative indépendante et unie sont les deux autres axes prioritaires du SJA.

L’attractivité des fonctions de magistrat administratif est un préalable nécessaire à la qualité de la justice : il faut pouvoir attirer et fidéliser les magistrats. Les conditions de cette attractivité ne sont aujourd’hui plus réunies. La rémunération demeure en net décrochage avec le reste de la haute fonction publique et les conditions de déroulé de carrière sont des obstacles qu’il faut abattre, en particulier sur l’existence et les modalités de la désormais double obligation de mobilité. La liberté d’organisation des magistrats tend à devenir illusoire, avec une charge de travail qui s’accroît et un équilibre vie privée / vie professionnelle qui s’estompe sur fond d’essor de la dématérialisation. C’est aussi une question d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sujet sur lequel nous sommes pleinement engagés. De manière générale, le SJA plaide pour une prise de conscience et l’instauration d’un environnement de travail bienveillant et valorisant.

L’indépendance de la juridiction administrative doit enfin être solennellement affirmée, avec l’instauration d’un réel statut constitutionnel et la création d’un conseil supérieur de la juridiction administrative paritaire et pleinement indépendant. Cette indépendance de la juridiction administrative ne peut se construire que dans son unité : elle appelle en particulier l’existence d’un corps unique de magistrats administratifs, de la première instance à la cassation et, dans l’attente, la convergence entre les juridictions du fond et le Conseil d’Etat, y compris sur les symboles comme le serment et le port de la robe. Cette unité est également une question d’attractivité, le SJA continue de combattre la règle vexatoire et absurde visant à exclure les magistrats administratifs de l’accès aux fonctions d’auditeur au Conseil d’Etat.

Fil DP • De manière plus générale, comment définiriez-vous votre conception de l’action syndicale ?

Julien Henninger• Notre profession de foi décrit le mode de fonctionnement du SJA comme étant DIRECT : Démocratique, Indépendant, Représentatif, Exigeant, Constructif, Transparent. Notre conception de l’action syndicale, c’est la représentation démocratique et transparente du corps et de nos adhérents : les positions que nous portons sont celles qui ont été votées par notre Congrès et publiées de façon exhaustive dans nos actes. Nous les défendons avec sérieux et détermination, après concertation collégiale au sein du conseil syndical et le cas échéant consultation de nos sections locales.

Fil DP Si j’étais magistrat administratif, qu’est- ce qui devrait me convaincre de voter pour la liste que vous présentez ?

Julien Henninger• Le SJA choisit de défendre ses positions de façon exigeante et constructive, en préférant les solutions pratiques aux grands discours et aux postures, en se référant toujours à nos principes (qualité, unité, indépendance, attractivité). C’est cet équilibre entre le respect des principes et leur déclinaison pragmatique qui permet au SJA d’obtenir des résultats concrets.

Voter SJA pour les élections au CSTACAA, c’est choisir une représentation déterminée et sérieuse, qui peut paraître austère mais qui est assurément efficace, pour une justice de qualité et un métier qui reste attractif.

 

Les candidats présentés sur la liste du SJA sont :

Au grade de président :

  • Anne-Laure Delamarre et Rodolphe Féral
  • Sanaa Marzoug et Frédéric Silvestre-Toussaint-Fortesa

Au grade de premier conseiller :

  • Julien Henninger et Gabrielle Maubon
  • Gauthier Doyelle et Marion Barrois

Au grade de conseiller :

  • Virgile Nehring et Raphaëlle Gros