Par ces motifs du CSTACAA du 18 avril 2018

Le CSTACAA qui a siégé le 18 avril 2018 a examiné les points suivants :

Approbation du procès-verbal de la séance du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (CSTACAA) en date du 21 mars 2018

Le procès-verbal de la séance du CSTACAA du 21 mars 2018 est approuvé.

 

Examen pour avis d’un projet de décret relatif aux éoliennes terrestres et portant diverses dispositions de simplification et clarification du droit de l’environnement

Le CSTACAA était saisi d'un projet de décret relatif aux éoliennes terrestres et portant diverses dispositions de simplification et clarification du droit de l’environnement, visant notamment à traduire les propositions de niveau réglementaire du groupe de travail national sur l’éolien terrestre présidé par M. Sébastien Lecornu, présentées le 18 janvier 2018, notamment en ce qui concerne l’aspect contentieux, afin de lever les freins au développement de la filière éolienne, et de simplifier et clarifier le régime applicable aux éoliennes.

Les dispositions dont était saisi le CSTACAA ont plus particulièrement pour objet de :

-          confier en premier et dernier ressort le contentieux relatif aux éoliennes terrestres aux cours administratives d’appel (article 29 du projet de décret), des dispositions transitoires étant prévues pour les contentieux en cours ;

-          prévoir une cristallisation des moyens de manière automatique, dans un délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en réplique (article 30), par dérogation aux dispositions de l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative, qui donne la faculté au juge de fixer une date au-delà de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de nouveau moyen. Ce dispositif est similaire à celui prévu en matière d'urbanisme par le projet de loi ELAN et le projet de décret examinés au cours de la séance du CSTACAA du 21 mars 2018.

Le gouvernement fait valoir la part importante des décisions relatives aux éoliennes terrestres faisant l'objet d'un recours devant le juge administratif, le fort taux d'appel des jugements rendus sur les litiges relatifs aux éoliennes terrestres et le délai de jugement important dû au double degré de juridiction.

La secrétaire générale des TACAA a souligné que le projet de décret n'est accompagné d'aucune indication sur le nombre d'affaires concernées et leur répartition territoriale et que les litiges relatifs aux éoliennes terrestres sont des affaires complexes qui, en cas d'attribution de ces litiges en premier et dernier ressort aux CAA, seront, lorsqu'elles font l'objet d'un pourvoi, généralement admises en cassation, impliquant, en cas de cassation, un renvoi à la juridiction compétente pour statuer au fond, ce qui est de nature à limiter les gains prévus par la réforme en matière de délai de jugement de ces affaires. Elle indique également que la cristallisation des moyens deux mois après l'intervention d'un mémoire en réplique est subordonnée à l'action d'une partie qui peut agir de manière dilatoire, de sorte que cette disposition n'est pas cohérente avec la réduction du délai de jugement souhaitée.

Vos représentants SJA ont indiqué que l’article 29 instaure une compétence dérogatoire au droit commun puisqu’il confie aux cours administratives d’appel le jugement, en premier et dernier ressort, des litiges relatifs installations de production d'électricité utilisant l’énergie mécanique du vent. Ces litiges recouvrent pas moins de 16 types de décisions attaquables.

Vos représentants ont rappelé que lorsque la première entorse de ce type a été faite à la répartition des compétences au sein de la juridiction administrative, le CSTA, lors de sa séance du 8 septembre 2015, avait à l’unanimité dénoncé cette nouvelle « mode normative » (qui coexiste avec la « mode » des délais de jugement sui generis) consistant à utiliser les possibilités offertes par les articles L. 211-1 et L. 311-1 du code de justice administrative pour confier aux cours administratives d’appel des compétences en premier et dernier ressort.

Conformément à ses actes du congrès, le SJA s’oppose à nouveau radicalement à l’instauration de règles de compétence dérogatoires au droit commun, quel que soit l’objet des litiges. L’objectif de célérité affiché par le gouvernement n’est pas propre au contentieux des éoliennes mais concerne la très grande majorité des contentieux dont a à connaître le juge administratif.

La multiplication depuis trois ans de règles dérogatoires à la répartition des compétences entre les différents degrés de juridiction rend le contentieux administratif de plus en plus complexe et illisible pour les justiciables. Vos représentants SJA ne voient pas quel critère objectif justifierait cette nouvelle dérogation et s’inquiètent de l’absence de règle qui viendrait limiter la possibilité de déroger ainsi au droit commun.

Le juge de première instance apparaît indubitablement comme un obstacle à la mise en œuvre des politiques publiques. Cependant, on ne comprend pas très bien son évitement dans la mesure où les délais de jugement dans les tribunaux étaient en 2016 de 10 mois et 9 jours contre 11 mois et 6 jours pour les cours. Or, au lieu de renforcer sa capacité d’action par l’allocation d’une force de travail supplémentaire, le gouvernement choisit de l’évincer du jugement des affaires concernant les éoliennes. Cela revient à priver les justiciables du double degré de juridiction et porte atteinte tant à l’accès au juge qu’à la séparation des pouvoirs.

Construire une justice administrative répondant aux exigences d’accessibilité, de qualité et de célérité sans déstabiliser l’organisation des juridictions est un défi que les praticiens ne peuvent relever seuls. Il appartient au pouvoir public de mettre un terme à cette nouvelle mode aux effets néfastes.

L’article 30 instaure également des règles de procédure contentieuses dérogatoires au droit commun, toujours dans un souci d’accélérer le traitement des affaires d’éoliennes terrestres. Il vise à cristalliser les moyens dans ce type de dossier passé un délai deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Là encore, vos représentants SJA s’interrogent sur la raison pour laquelle le gouvernement instaure des règles de procédure contentieuse particulières là où le droit commun, tel qu’amendé notamment par le décret JADE, dote le juge de suffisamment d’outils permettant d’accélérer l’instruction des requêtes.

Les commissaires du gouvernement ont indiqué que plusieurs centaines de dossiers sont concernés par an, que la volonté de favoriser la transition énergétique et le développement de l'énergie éolienne invite à réduire les délais de recours contentieux et que les dispositions prévues sont comparables à celles prévues pour l'éolien en mer.

Le vice-président du Conseil d'Etat a indiqué qu'il était nécessaire de prévoir, pour l'article 30, une rédaction identique à celle prévue en matière de contentieux de l'urbanisme, ainsi que la possibilité pour le juge, lorsque l'instruction de l'affaire le justifie et non l’impose comme le prévoit le texte, de prévoir une date de cristallisation différente de celle prévue par ces dispositions.

Le vice-président a par ailleurs rappelé que nous sommes confrontés, depuis quelques années, à la multiplication de règles de procédure particulières, qui conduisent, selon les cas, soit à déroger au double degré de juridiction, soit à imposer des délais de jugements contraints, soit à déroger aux règles d'attribution des compétences aux juridictions. Les règles de répartition des compétences et les règles de procédure au sein de la juridiction administrative deviennent aujourd'hui une véritable mosaïque. Il n'est pas douteux qu'il y ait un intérêt public à ce que certains contentieux soient rapidement tranchés, mais la multiplication des règles dérogatoires conduit à rendre in fine ces règles inefficaces ou inopérantes et est hautement problématique.

Le vice-président a observé que la dérogation au double degré de juridiction est fâcheuse, surtout pour des contentieux où les éléments de fait sont importants. La dérogation effectuée en 2013 au double degré de juridiction s'agissant des autorisations d'urbanisme en zone tendue repose sur une fausse bonne idée : si elle permet de gagner du temps dès lors qu'un seul juge du fond statue en premier ou dernier ressort, dans les faits, il se trouve qu'un seul juge du fond peut errer. Lorsque le juge de cassation est saisi, que le pourvoi est admis, que le jugement est cassé et qu'il est renvoyé au juge du fond, on n'a pas gagné de temps mais on en a perdu, un nouveau jugement au fond pouvant de nouveau mener à un nouveau pourvoi. Lorsque deux juges du fond sont saisis, le deuxième juge du fond peut réparer les erreurs commises par les premiers juges et le pourvoi a moins de chances d'être admis. Dans le cadre du contentieux des autorisations d'urbanisme en zone tendue, où les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort, le taux d'admission et le taux de cassation est bien supérieur au taux observé s'agissant des autorisations d'urbanisme pour lesquelles les litiges bénéficient d'un double degré de juridiction. Deux juges du fond peuvent donc mieux valoir, s'agissant des intérêts défendus par le gouvernement, qu'un seul juge du fond avec un juge de cassation en première ligne.

Vos représentants SJA ont voté contre les articles 29 et 30 de ce projet de décret. Le CSTACAA a émis un avis défavorable à ce projet de décret, pour les raisons évoquées ci-dessus.

Examen pour avis d’un projet d’ordonnance relative au traitement juridictionnel du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale

Le CSTACAA était saisi d’un projet d’ordonnance prise en application de l’article 109 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle (dite « J 21 »), relative au traitement juridictionnel du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, et en particulier des dispositions des points 1° et 2° du I de son article 6.

Ces dispositions ont pour objet de modifier l’article 114 de la loi « J 21 » du 18 novembre 2016 afin de permettre qu’un décret en Conseil d’Etat détermine les juridictions compétentes pour connaître du transfert des contentieux qui seront pendants au 1er janvier 2019 devant les commissions départementales d’aide sociale (CDAS) et la Commission centrale d’aide sociale (CCAS), ces juridictions étant supprimées à compter de cette date. En effet, les dispositions de l’article 114 de la loi « J 21 » prévoyaient initialement le transfert des affaires relevant auparavant des CDAS et de la CCAS vers, respectivement, les TA et les CAA ; désormais, ces affaires relèveront d’une ou plusieurs juridictions administratives désignées par décret en Conseil d’Etat.

La compétence des cours ne sera que temporaire et ne concernera que le stock résiduel de la CCAS, les litiges concernés relevant de contentieux sociaux, dont la compétence ressortit en premier et dernier ressort aux tribunaux administratifs.

Par ailleurs, des mesures de résorption des stocks de la CCAS ont été prises, avec des renforts de magistrats et de membres du Conseil d'Etat.

Environ 2 500 à 3 000 requêtes par an devraient ainsi échoir aux tribunaux administratifs.

La secrétaire générale du Conseil d'Etat a indiqué que ces affaires seront dirigées vers des juridictions dont la situation leur permettra de les absorber.

Le CSTACAA a émis un avis favorable à ce projet d'ordonnance.

Examen pour avis d’un projet d’ordonnance portant suppression ou allègement de la participation des magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif au sein des commissions administratives

Le CSTACAA était saisi d’un projet d’ordonnance, prise en application de l'article 109 de la loi du 18 novembre 2016 portant modernisation de la justice du XXIème siècle, portant suppression ou allègement de la participation des magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif au sein des commissions administratives, et en particulier de son article 5, qui a pour objet de supprimer les dispositions de l’article L. 3452-2 du code des transports prévoyant la présidence des commissions territoriales des sanctions administratives dans le domaine du transport public routier par un magistrat administratif.

Ces commissions territoriales des sanctions administratives sont consultées pour avis par le préfet de région préalablement au prononcé des sanctions administratives dans le domaine du transport public routier ; une commission nationale des sanctions administratives, placée auprès du ministre chargé des transports et présidée par un membre du Conseil d’Etat et vice-présidée par un membre de la Cour des comptes, est saisie pour avis des recours hiérarchiques formés contre les décisions préfectorales prononçant des sanctions administratives. La composition de la commission nationale est donc de nature à assurer les garanties nécessaires aux intéressés.

Vos représentants SJA se sont félicités de la démarche engagée par le secrétariat général du Conseil d'Etat afin de limiter le nombre de commissions administratives auxquelles participent les magistrats administratifs à celles où cette participation est réellement utile, ce qui permet de recentrer les magistrats sur leur cœur de métier et de limiter leur charge de travail. Ils se sont également enthousiasmés de la perspective, évoquée par le commissaire du gouvernement, de poursuivre ce mouvement à l'avenir.

Le CSTACAA a émis un avis favorable à ce projet d'ordonnance.

Examen pour avis du mouvement de mutation et de réintégration des conseillers et premiers conseillers

 

La secrétaire générale du Conseil d'Etat a indiqué que cette année était particulière, dès lors que les effectifs sont supérieurs au nombre de postes vacants, du fait, notamment, d'un nombre de départs en retraite inférieur à celui initialement prévu et d'un nombre important de retours de magistrats en détachement vers les juridictions. 37 postes supplémentaires en surnombre seront donc affectés aux juridictions.

55 demandes de mutation ont été satisfaites, dont 44 sur le premier choix, 7 sur le deuxième choix, 2 sur le troisième choix et 2 sur le quatrième choix. 36 demandes n'ont pas été satisfaites.

Vos représentants SJA se sont félicités de la situation conjoncturelle conduisant à la présence en juridiction d'effectifs supérieurs au nombre des postes vacants, et ont rappelé que les vacances de postes apparaissant en cours d'année et non pourvues étaient source de démobilisation et d'incompréhension parmi les magistrats.

Questions diverses

Le vice-président du Conseil d'Etat a signé les lettres de mission adressées aux groupes de travail constitués par le CSTACAA s'agissant, d'une part, de la carrière des magistrats et, d'autre part, de l'information, de la consultation et de la communication.

La secrétaire générale du Conseil d'Etat a signalé la mise en œuvre du VPN dans les juridictions.