Par ces motifs du CSTACAA du 2 février 2018 projet de loi asile-immigration

Le CSTACAA a été consulté sur le projet de loi pour une immigration maitrisée et un droit d’asile effectif en application de l’article R.232-20-2 du code de justice administrative en vertu duquel « A titre exceptionnel, les membres du Conseil supérieur peuvent, en cas d'urgence née de l'impossibilité de réunir le quorum dans un délai utile, être consultés à distance, par visioconférence, pour émettre un avis sur un projet dont le conseil est saisi par le Gouvernement. En cas d'impossibilité avérée de recourir à la visioconférence, les membres du Conseil supérieur peuvent également être consultés par conférence téléphonique ou, à défaut, par correspondance électronique. Les observations émises sur le projet par l'un des membres sont immédiatement communiquées aux autres membres. »

Les élus SJA s’interrogent sur les raisons qui ont présidé à une saisine en urgence sur ce projet de loi qui était annoncé depuis des mois, qui a tardé à sortir et qui ne relève pas de l’extrême d’urgence. De fait, une place d’exception est encore faite au ministère de l’intérieur, alors que le taux d’exécution des mesures d’éloignement ne s’est toujours pas amélioré.

Au terme de cette consultation écrite, le Conseil supérieur a émis :

               - un avis favorable sur les dispositions statutaires prévues au II de l’article 6 du projet de loi ;

               - un avis partagé sur les dispositions de l’article 10 (1°) et de l’article 11 (15°) du projet de loi, relatives à la possibilité de recourir aux visio-audiences sans le consentement des étrangers dans les cas visés à l’article L. 213-9 (maintien en zone d’attente) et au III de l’article L. 512-1 (placement en rétention administrative) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, avec 6 voix pour, dont 1 avec une réserve – tenant à la constitutionnalité de la suppression du consentement de l’étranger - et 6 voix contre ;

- un avis partagé  sur les articles 8 (3° et 4°) et 15, relatifs à la suppression du caractère suspensif de certains recours devant la CNDA et à la création d’une nouvelle procédure de suspension de l’exécution des obligations de quitter le territoire français devant le juge administratif des 72 heures, avec 6 voix pour avec des réserves - tenant à la complexité du dispositif qui confie au juge de l’éloignement un office relevant du juge de l’asile, à la charge de travail supplémentaire qui en résultera à effectifs constants pour la juridiction administrative, au maniement difficile de la notion d’éléments sérieux -  et 6 voix contre ;

- un avis partagé sur les articles 11 (15°) et 31 (5°), relatifs à l’augmentation de 72 à 96 heures du délai imparti au juge administratif par le III de l’article L. 512-1 et par l’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, avec 6 voix pour avec des réserves - tenant au caractère incomplet et insuffisant de cet allongement de délai, qui ne prend pas en compte les contraintes du juge administratif, ne couvre pas toutes les hypothèses des procédures 72 heures, crée en fait un 5ème délai de jugement dans le contentieux des étrangers et ne résout en rien les difficultés liées au chevauchement des temps d’intervention du juge administratif et du juge judiciaire – et 6 voix contre.

Les élus SJA se félicitent de ce vote qui reflète que l’objectif de simplification du contentieux des étrangers n’est absolument pas atteint et que les dispositions mises en place restreignent encore les droits des demandeurs d’asile.

Dans le cadre de l’examen pour avis de ce projet de loi, les élus SJA ont fait par voie électronique les observations et les explications de vote qui suivent.

L’article 3 du projet de loi :

 

L’article propose une modification minime de l’article L. 752-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, lequel ouvre le chapitre sur la réunification familiale.

Le SJA souhaite attirer l’attention du législateur sur une difficulté engendrée par la rédaction de ce texte, régulièrement utilisé dans le cadre du contentieux des visas d’entrée en France.

Avant la loi du 29 juillet 2015, qui a créé cet article, un principe général du droit des réfugiés était appliqué par l’administration, celui de l’unité des familles (cf. CE, 02/12/1994, n° 112842, A). Depuis la création de cet article, l’administration applique la procédure de réunification familiale telle qu’inscrite dans la loi.

Toutefois, il semble aux représentants du SJA qu’il existe une discordance entre le 3°) du I de l’article qui prévoit l’application de la procédure aux seuls enfants du couple, excluant de fait l’enfant d’un réfugié ou bénéficiaire de la protection subsidiaire qui demande un visa pour rejoindre son parent qui, en France, a refait sa vie sans pour autant perdre le lien avec son enfant resté au pays et vit en concubinage ou est marié avec une tierce personne avec qui il a par ailleurs eu un enfant. Toutefois, le II de l’article renvoie à l’article L. 411-2 du CESEDA, qui dispose que peuvent prétendre au regroupement familial les enfants « du demandeur et ceux de son conjoint ». Il y a semble-t-il une incohérence entre les dispositions législatives, le 1er alinéa du II pouvant être inséré au I (dans un 4°).

Par ailleurs, l’article L. 752-1 comporte des redondances dans sa rédaction. Ainsi la première phrase du I commence par « sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public (...) » alors que les deux derniers alinéas énoncent : « La réunification familiale ne peut être refusée que si le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d’accueil. / Est exclu de la réunification familiale un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l’ordre public ou lorsqu’il est établi qu’il est instigateur, auteur ou complice des persécutions et atteintes graves qui ont justifié l’octroi d’une protection au titre de l’asile. »

Peut-être serait-il plus pertinent de rédiger l’article ainsi : « I. – Le ressortissant étranger qui s’est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (…) / III.- La réunification familiale peut être refusée : / 1° Si la présence du demandeur constitue une menace pour l’ordre public ou s’il ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France ; / 2° A un membre de la famille dont la présence y constituerait une menace pour l’ordre public ou lorsqu’il est établi qu’il est instigateur, auteur ou complice des persécutions et atteintes graves qui ont justifié l’octroi d’une protection au titre de l’asile. »

Le SJA a donc voté contre de l’article 3 du projet en l’état.

L’article 6 du projet de loi 

Même si ces dispositions intéressent la Cour nationale du droit d'asile, le projet prévoit le recours au juge unique lorsque le demandeur d’asile présente une menace à l’ordre public. Il est fort dommageable que l’examen délicat de la notion de menace à l’ordre public soit confié à un juge unique.

La réduction du délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile (qui passe à 15 jours) si elle répond à un objectif de célérité va nécessairement avoir pour effet de diminuer l’accès effectif des justiciables au juge de l’asile.

Par ailleurs le SJA est favorable aux dispositions statutaires contenues dans le II cet article. Le II apporte des ajustements aux dispositions statutaires du code de justice administrative applicables aux magistrats affectés à la CNDA. D’une part, le 1° aligne les modalités d’accueil des magistrats de l’ordre judiciaire sur les fonctions de président à la CNDA par la voie du détachement sur les dispositions applicables aux présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. D’autre part, le 2° prévoit, en conformité avec la garantie d’inamovibilité des magistrats, de supprimer la limitation actuelle à trois ans du mandat des présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel affectés à la CNDA.

Le SJA a donc voté donc contre le I de l’article 6.

L’article 8 du projet de loi

C’est l’article qui impactera le plus fortement les juridictions administratives. L’objectif du législateur est de paralléliser les interventions du juge de l’asile et de l’éloignement. Dans 3 cas très précis, le recours devant la Cour nationale du droit d'asile n’aura plus un caractère automatiquement suspensif ; il s’agit de certaines demandes d’asiles examinées en procédure accélérée par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides : demandeurs ressortissants de pays d’origine sûrs, demandes de réexamen rejetées et demandeurs présentant une menace grave pour l’ordre public.

L’étude d’impact qui accompagne le projet de loi ne donne aucun chiffre concernant le nombre actuel de décisions de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides prises dans ces trois cas de figures et ne permet pas de quantifier la charge de travail supplémentaire qui pèsera sur les juridictions administratives.

L’étude d’impact balaye d’un revers de main la charge supplémentaire induite par cette nouvelle mission confiée au juge de l’éloignement : si elle admet que la charge de travail de la Cour nationale du droit d'asile sera allégée, l’étude d’impact avance un argument spécieux selon lequel « Simultanément, conférer à la juridiction administrative, dans ces mêmes hypothèses, le soin d’apprécier s’il y a lieu ou non d’accorder le caractère suspensif au recours ne devrait pas entraîner une charge excessive puisque cette mission s’exercera dans le cadre du contentieux de l’éloignement. ».

Même si elle s’exerce dans le cadre du contentieux de l’éloignement, le juge de l’éloignement verra nécessairement sa charge de travail effective augmenter s’il veut exercer son office de manière effective. Il devra en effet examiner si la demande de suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement est accompagnée « d’éléments sérieux » de nature à justifier le maintien en France de l’étranger au titre de sa demande d’asile. Alors que l’étranger se trouve déjà en procédure accélérée, ce qui est de nature à jeter un premier doute sur le caractère sérieux de sa demande d’asile, le juge de l’éloignement, s’il veut exercer un contrôle réel et effectif sur la demande de suspension qui lui est faite, devra devenir un véritable spécialiste de géopolitique et devra dans les faits examiner le bien-fondé de la demande d’asile, sauf à faire du juge de l’éloignement une simple machine à rejet des demandes de suspension qui lui sont présentées. La notion d’éléments sérieux ne sera pas d’un maniement jurisprudentiel très simple. Le SJA a donc des doutes tant sur l’impact minime sur sa charge de travail annoncé par l’étude d’impact que sur la capacité du juge administratif de droit commun dans les délais très brefs dans lesquels il doit statuer à exercer un contrôle satisfaisant sur les demandes de suspension qui lui seront soumises.

En outre, si la demande de suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement est rejetée, cela signifie que le demandeur d’asile ne pourra plus assister, s’il est éloigné, à l’audience devant la Cour nationale du droit d'asile, le privant ainsi du droit à un recours effectif, ce qui semble peu compatible avec les exigences de la Cour EDH.

Le SJA s’interroge sur l’utilité réelle d’un tel dispositif, très complexe, au regard du taux d’exécution toujours très faible des décisions d’éloignement. Il se demande si cette complexification ne créera pas inutilement une nouvelle usine à gaz pour une efficacité quasi inexistante.

L’article 8, en tant qu’il ajoute trois alinéa à l’article L. 743-4, concerne les demandeurs d’asile qui, en vertu des nouvelles dispositions de l’article L. 743-2, voient leur droit de se maintenir sur le territoire français prendre fin lorsque l’office a pris une décision d’irrecevabilité en application du 3° de l’article L. 723-11 (en cas de demande de réexamen lorsque, à l’issue d’un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 723-16, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article), ou si l’Office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l’article L. 723-2 (l'Office statue en procédure accélérée lorsque le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr, lorsque le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable, ou lorsque la présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat).

Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire français a ainsi pris fin, l'étranger qui fait l'objet, postérieurement à la décision de rejet de l'Office, d'une assignation à résidence ou d'un placement en rétention administrative en vue de l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français notifiée antérieurement à la décision de l’office et qui n’est plus susceptible d’un recours devant la juridiction administrative peut, dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification de la décision prononçant son placement en rétention ou son assignation à résidence, demander au président du tribunal administratif de suspendre l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à l’expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile ou, si celle-ci est saisie, jusqu’à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour ou, s’il en est statué par ordonnance, jusqu’à la date de notification de celle-ci. La suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement met fin à l’assignation à résidence ou à la rétention de l’étranger, sauf lorsque l’Office a pris une décision de rejet dans le cas prévu au 5° du III de l’article L. 723-2 (nouveau).

Dans ce cas, le juge intervient pour éviter un éloignement avant l’intervention de la CNDA.

Il s’agit donc de l’étranger qui n’a plus le droit de résider en France en tant que demandeur d’asile, qui fait l’objet d’une OQTF définitive, et qui est placé en rétention en vue de son éloignement, mais qui dispose encore d’un recours devant la CNDA. La suspension de la mesure d’éloignement permet de préserver l’effectivité du recours devant la CNDA.

Là encore, on demande au juge administratif de droit commun de devenir le juge de l’asile. La France a pris le parti, que le SJA ne conteste pas dans son principe, d’instituer une juridiction spécialisée en matière d’asile. Il faut se tenir à ce choix.

L’article L. 743-1 du CESEDA prévoit que le demandeur d'asile qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L’article 8 du projet prévoit de substituer la date de lecture à la date de notification pour la décision de la CNDA : un étranger pourraît ainsi faire l’objet d’une mesure d’éloignement dès la date de lecture de la décision de la CNDA, alors même que cette décision ne lui aurait pas été notifiée. C’est un facteur d’insécurité juridique pour les demandeurs d’asile.

Pour toutes ces raisons, le SJA a voté contre l’article 8.

L’article 20 du projet de loi

Cet article introduit un article L. 311-6 selon lequel : « Lorsqu’un étranger a présenté une demande d’asile qui relève de la compétence de la France, l’autorité administrative l’invite à indiquer s’il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l’affirmative, à déposer un dossier à cet effet dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles et sans préjudice des dispositions de l’article L. 511-4, à l’expiration de ce délai il ne pourra solliciter son admission au séjour. »

Si cette mesure de rationalisation permet un examen unique de l’ensemble de la situation d’un demandeur d’asile et présente certains avantages, le SJA s’oppose à ce que, comme le prévoit l’article 11 du projet de loi, le jugement des obligations de quitter le territoire français prises à l’encontre des déboutés du droit d’asile qui auraient également invoqué des motifs d’admission au séjour sur un autre fondement relève de la compétence du juge unique statuant en 6 semaines.

Il y a en effet une contradiction avec les termes mêmes de l’article I bis de l’article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile introduit par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 qui réserve le cas des obligations de quitter le territoire français dites sèches au cas où il n’y a pas eu d’examen de la situation au regard du droit au séjour de l’étranger. Or dans le cas visé par le nouvel article L. 311-6, il y aura eu un examen au regard du droit au séjour de l’étranger. Priver les déboutés du droit d’asile qui présenteraient une demande de titre sur un autre fondement, de la formation collégiale et des délais de saisine du tribunal (1 mois) et de jugement (3 mois) normalement prévus dans le cas d’obligations de quitter le territoire français prises sur le fondement d’un refus de titre de séjour crée à l’encontre de ces derniers une rupture d’égalité avec les autres étrangers qui n’est en rien justifiée. Le SJA s’interroge d’ailleurs sur la constitutionnalité de ce dispositif.

Pour ces raisons, le SJA a voté contre l’article 20.

L’article 11 du projet de loi

Cet article propose également de porter de soixante-douze à quatre-vingt-seize heures le délai de jugement pour statuer sur les obligations de quitter le territoire français des étrangers assignés à résidence. Si cette mesure desserre en apparence l’étau qui pèse sur le juge de permanence, le rallongement de ce délai ne devrait pas avoir d’effet positif remarquable sur l’organisation des permanences du juge de l’éloignement d’urgence. Surtout, il ne semble pas que ce nouveau délai tienne compte des modifications de l’intervention dans le temps du juge des libertés qui est devenu le juge de la rétention. En effet, les modifications apportées par le projet de loi au délai de jugement des JLD sur les mesures de rétention porte à 5, voire à 6 jours dans certains cas, le délai entre le placement en rétention de l’étranger et l’ordonnance du JLD. La cohérence de l’intervention des deux juges (JLD et Juge administratif) n’est pas assurée, les interventions pouvant se télescoper. Il y a là un facteur supplémentaire de désorganisation des tribunaux administratif (greffe des urgences et magistrats désignés de permanence).

Pour ces raisons, le SJA a voté contre l’article 11 15°.

Le recours massif aux vidéos-audiences

Le projet vise à développer massivement le recours aux vidéo-audiences. Le SJA s’oppose avec force à ce projet. Si les apparences en termes de neutralité et d’impartialité de la justice sont sauves (contrairement à ce qui est le cas pour les audiences délocalisées) ce dispositif a pour effet de mettre à distance le juge et les parties qui ne se côtoient plus physiquement. Le principe pluriséculaire d’unité de temps et de lieu propres à tout procès se trouve mis à mal.

Or il ne faut pas croire que la confrontation à distance du juge et des parties soit équivalente et offre les mêmes garanties en termes de symbole de la justice et de qualité des débats.

Là encore, l’étranger placé en rétention ou maintenu en zone d’attente ne sortira pas du lieu de privation de liberté duquel il se trouve. Il verra un juge lointain à travers le prisme d’un écran qui sera nécessairement vécu comme une entrave de fait à l’accès effectif au juge. L’écran de taille nécessairement limitée ne permettra pas au juge de se saisir de l’ensemble de l’atmosphère de la salle de retransmission et ne permettra pas de vérifier que le requérant ne subisse pas de pression de la part des forces de police. La retransmission faussera également la perception qu’a le juge des personnes, de leurs récits et des plaidoiries de leur conseil. Sans parler des nombreux dysfonctionnements qui ont déjà cours dans les juridictions judiciaires qui pratiquent la télé-audience, cette pratique fera du juge non plus un acteur à part entière du procès mais un simple spectateur. Rendre un verdict en présence du requérant, qu'il soit d'ailleurs favorable ou défavorable, fait partie pleine et entière de la responsabilité et de la mission du juge. Pour bon nombre de nos collègues, l'absence du requérant dans la salle dans laquelle le procès se déroule sera vécue comme un biais susceptible d'affecter leur appréciation du litige qui leur est soumis, et donc le sens même de leur décision.

Pour ces raisons, le SJA a voté contre le 2° de l’article 6, les 1° et 2° de l’article 10, le 15°b de l’article 11 et le 8° de l’article 13.