Le 18 mars 2020, le SJA a adressé aux magistrats administratifs le message suivant, en réaction à l'envoi par les autorités gestionnaires de la juridiction administrative d'un message incitant les chefs de juridiction à exiger des magistrats et agents de greffe le maintien d'un niveau d'activité équivalent à celui attendu en temps normal.
De : Syndicat SJA ;
Envoyé : mercredi 18 mars 2020 17:55
À : Sja-Magistrat ; Sja-Magistrat-detachement ;
Cc : Syndicat SJA ;
Objet : A peine confinés, les magistrats ont du « retard à rattraper » !
Chères et chers collègues,
en contradiction avec les messages pour la plupart empreints de bienveillance adressés par les présidents des tribunaux et cours aux magistrats, les chefs de juridiction ont été le 17 mars au soir destinataires d’un courriel du Conseil d’État contenant une invitation très claire à inciter les magistrats à poursuivre autant que possible leur activité en télétravail « afin de réduire le retard à rattraper au moment de la reprise normale d’activité ». Le même paragraphe, au terme d’une analyse juridique sujette à discussion, brandit la menace d’imposer, sur le fondement de l’article L. 1222-11 du code du travail, le télétravail comme mode normal de notre exercice professionnel durant le confinement ce qui permettrait, comprend-on en substance, d’exiger des magistrats qu’ils rendent autant de projets de conclusions et de décisions qu’en temps normal.
Nous avons alerté dès ce matin le Conseil d’Etat quant aux effets délétères de cette menace aussi déplacée qu’inadmissible ; nous attendons toujours à cette heure la clarification qui s’impose pourtant évidemment.
Alors que les magistrats n’ont encore à ce jour été rendus directement destinataires d’aucune information de la part du Conseil d’État – quand, encore une fois, les membres et agents du Conseil d’Etat ont reçu un courriel du vice-président dès le 13 mars dernier – cette marque de défiance envers la communauté juridictionnelle est un affront au sens du service public dont font preuve les magistrats et agents de greffe, habituellement comme en cette période très dégradée.
En outre, si chacun est à même de comprendre que les mesures mises en place par les pouvoirs publics exigent de tous des efforts d’adaptation, il apparaît en revanche parfaitement illusoire d’espérer pouvoir imposer aux magistrats de « rattraper le retard », alors même que l’insuffisance des moyens, notamment humains, dont sont dotées les juridictions pour faire face au volume contentieux à traiter suscite autour de la charge de travail les vives tensions que l’on sait, et de longue date. Au cœur de la crise sans précédent que nous traversons, il est grand temps que le Conseil d’Etat revoie l’ordre de ses priorités et se résolve à accepter l’inévitable impact sur les statistiques de la situation actuelle.
Alors que le monde fait face à une pandémie et que les magistrats, comme tous les citoyens français, apprennent à vivre, et travailler, sous un régime de police sanitaire exceptionnelle, le SJA déplore très vivement que le gestionnaire, déconnecté des préoccupations concrètes des magistrats, s’inquiète d’abord de préserver ses résultats statistiques.
Nous réitérons l’invitation à nous saisir de toute difficulté qui pourrait apparaitre dans l’hypothèse où il serait exigé de votre part une production de dossiers ou de conclusions sans lien avec ce que votre situation actuelle vous permet d’accomplir via vos délégués en juridiction ou via notre boîte fonctionnelle.
Bien à vous toutes et tous,
Le conseil syndical du SJA
Site internet : www.lesja.fr
Fil twitter : @SyndicatSJA